
Christophe ANDRÉ
...OU L'ART D'INFLUENCER A GRANDE ECHELLE
Ne pas attirer l’attention des adultes. C’est un peu la ligne de conduite de Christophe André, enfant. Être bon élève et ne pas faire de vagues. Pourtant, la vie va l’amener à être au centre de l’attention et à créer du mouvement dans le monde de la psychiatrie…
Timide, introverti, solitaire sociable : voilà comment Christophe André se définit en tant qu’enfant. L’école est une grande source de joie car il aime apprendre. « J’adore faire marcher mon cerveau ». Littéraire dans l’âme, mais excellent partout, on le pousse dans la filière réservée aux bons élèves, la filière scientifique. Tout le prédispose à devenir ingénieur. Il habite Toulouse, fief de l’aéronautique et du spatial. Les garçons sont nombreux à être destinés à intégrer une école d’ingénieur. Mais la philosophie va le faire bifurquer. En terminale, Freud est au programme. Il lit « Introduction à la psychanalyse » et reçoit un véritable déclic. « Je trouve ça génial ! Je m’achète tous les livres de Freud qui sont en format Poche et j’avale Freud ! Je me dis que c’est ce que je veux faire ! ».
Il crée dès lors sa première vague : être psychiatre, docteur des fous. Ce n’est pas un métier prestigieux à l’époque. Mais c’est déjà mieux que psychologue, qui ne serait pas de nature à rassurer ses parents. Psychiatre, c’est quand même être médecin. C’est respectable. « Les profs et les parents pensaient que la toquade allait passer, que la science allait me remettre dans le droit chemin », s’amuse-t-il. Mais il s’entête…
« La psychiatrie par les lacaniens ne me plait pas du tout ! »
Dès la deuxième année, Christophe André lit pour le plaisir de nombreux ouvrages sur la psychiatrie. Arrivent les premiers stages ! Il est à Toulouse et tous les psychiatres sont lacaniens. « Ça ne me plait pas du tout ! Ils ont une approche froide, incompréhensible, ils ne sont pas sympas avec les patients. Je trouve qu’on coupe les cheveux en quatre pour trouver des explications dans l’inconscient alors qu’il y a des justifications sociales évidentes ! Ils sont tous mal dans leur peau et en analyse depuis 20 ans ! ». Le tableau est sombre. Il hésite à arrêter mais fait une rencontre qui change tout.
A l’ hôpital de Rangueil, dans le service de pédopsychiatrie , il découvre la psychiatrie humaniste à travers Lucien Millet. Il prend soin des patients, les écoute, les respecte, leur propose des traitements en accord avec les données de la science… C’est un soulagement pour Christophe André. Il se rapproche de Lucien Millet qui l’invite à faire des remplacements dans sa clinique… Et voilà comment il débute la pratique de la psychiatrie telle qu’il l’entend.
Mais il lui manque quelque chose de plus ambitieux…
« Les thérapies comportementales ? D es conneries anglosaxonnes ! »
« On m’invective, on me parle de conneries anglo-saxonnes, de gadgets, de danger… » C’est la douche froide ! Il y a une très grande résistance à l’implantation de ces thérapies. Pourtant, Christophe André voit que ça marche sur les patients qu’il suit dans un hôpital de jour.
Il ouvre alors son cabinet en 1984 et croule sous les demandes un mois plus tard.
Il poursuit ses investigations dans les thérapies comportementales et assiste aux premiers congrès de l’AFTCC. « Je m’aperçois qu’il y a une centaine de personnes en France qui croient à ces thérapies. Je passe de solitaire malmené à membre d’un groupe qui produit des études, qui a un réseau international. C’est super ! » se remémore-t-il.
« Méditation ? Vous êtes s û r ? »
Christophe André poursuit ses explorations et lit des articles sur la méditation et la dépression à la fin des années 90. Il se trouve que depuis 1995, il donne des cours aux hôpitaux universitaires de Genève . Là-bas, on lui propose d’assister à un séminaire avec des pontes de la méditation : Jon Kabat -Zinn et Zindel Segal. « C’est une révélation ! Je vois comme cet outil est formidable, applicable facilement tant pour les patients que les soignants », explique-t-il. Zindel Segal lui propose alors de se lancer et de l’implanter dans ses consultations. « Je vais voi r mes patrons et je leur expose le sujet. Ils me disent : méditation ? vous ê tes s û r ? On va plutôt appeler ça « groupe d’entrainement at tentionnel ». Qu’à cela ne tienne, Christophe André lance ses premiers groupes sur le sujet. « Les résultats sont stupéfiants. Je suis ému de voir à quel point cette chose si simple fonctionne bien . »
Peu à peu, il diffuse sa pratique aux soignants qui
intègrent
ses groupes… Il essaime…
Le prolongement naturel de la méditation, c’est la compassion.
«
Se poser dans l’instant présent, prendre conscience des besoins émotionnels, de tendresse dont les patients en dépression sont dépourvus
,
fait partie de l’accompagnement. Ils se maltraitent, sont durs avec eux-mêmes, s’autocritiquent, se dévalorisent… Il faut les aider et leur apprendre l’auto
-
bienveillance, l’autocompassion
»
, poursuit-il.
«
Cela fait partie de la 3ème vague. On travaille directement sur les émotions. Le but est de montrer au patient l’impact émotionnel que son autocritique a sur lui
pour
lui ramener de la douceur
».
Impacter, essaimer, à grande échelle
Ces explorations ne feraient pas sens si elles ne pouvaient pas être diffusées. Voilà pourquoi Christophe André prend souvent la plume. Son premier ouvrage « La peur des autres », écrit avec Patrick Légeron , est un succès ! Il voit le retentissement de ce livre et poursuit son travail d’écriture et d’influence. D’autres livres suivent, avec François Lelord (« La force des émotions ») puis en solo (« Psychologie de la peur » et bien d’autres). « J’a vais envie d’influencer patients et soignants à plus grande échelle . Je voyais qu’on avait des techniques qui fonctionnaient réellement mais la route était bloquée, barrée. C’était trop frustrant ! J’écris donc pour diffuser le savoir, soigner le plus de personnes possibles mais aussi pour donner un grand coup de pied dans la fourmilière ! »
Et pourtant enfant, il ne voulait pas faire de vague ;)